Les rencontres

Je pense à cette journée du 6 novembre où je marchais dans un village loin des touristes, et j’y ai aperçu un rassemblement de gens. Je suis arrêté, au loin, tout en regardant. Aussitôt, les gens me voient, me sourient, me font signe de venir. Un des hommes m’accueille, avec un anglais imprécis. Mais ce que je vois autour attire plus mon regard. C’est un véritable carnage avec du sang partout. Il m’explique : c’est la journée du Eid al-Adha pour les musulmans, une journée de sacrifice fêté un peu partout dans le monde, qui consiste entre autre à égorger un animal pour ensuite couper la bête pour donner la viande aux plus pauvres. Mais je n’ai assisté qu’à la fin de la coupe de la bête (j’ai manqué l’égorgement). C’était tout de même spécial de voir ce carnage à ciel ouvert, avec les mouches qui tournent autour qui viennent avec. Et de les voir s’amuser avec la tête de la bête (ce devait être une vache).

Un autre moment. Je débarque du train, 21h30. La nuit est très bien entamée sur Surabaya (ville à l’est sur l’Ile de Java). Étant le seul étranger qui semble être abouti à cette gare, je marche un peu, mais, bien sûr, tous les chauffeurs de taxis, de motos ou de vélos veulent m’agripper pour m’offrir le transport (c’est coutume ici). Un taxi me dépose pas trop loin à un hôtel conseillé par mon livre-guide. L’hôtel affiche complet. Je continue finalement à marcher, croise d’autres hôtels. Tous complets. L’autre bord de la rue, un hôtel qui semble plus luxueux. Je n’ose même pas y mettre les pieds, de peur de devoir dépenser au minimum 300’000 RP (30$ CAN), ce qui est considéré cher ici. Et j’aime vivre low-budget, je peux m’en tirer pour 10$CAN habituellement. Je continue dans des petites rues mal éclairées. Puis j’entend une femme : « Mister, where are you going, do you need a place to sleep? ». Déjà là, c’est une phrase plus articulée que le traditionnel « Mister, mister, where are you going? » que tous les Indonésiens savent dire. Je vais voir la femme, que j’aperçois derrière les barreaux métalliques de la fenêtre de sa maison. Elle parle un anglais parfait, ce qui est plutôt rare ici. De fil en aiguille, elle m’offre le logis, en me disant toutefois qu’elle n’a qu’un petit lit disponible. Au premier abord, étant méfiant, je refuse, mais elle insiste. Je lui dis que je peux payer, elle refuse.  Alors j’accepte, à une condition: elle veut qu’on joue au Scrabble. On a finalement passé la soirée à discuter, c’est la première fois qu’elle parle à un Canadien. Une vielle dame, grand-mère une dizaine de fois, et même arrière-grand-mère récemment. Et un de ces petits-fils habite avec elle. Une femme éduquée, qui parle 4 langues couramment, elle est traductrice et enseigne l’anglais. En plus de l’Indonésien, elle parle allemand et hollandais (faut dire que l’Indonésie fut, jadis, une colonie hollandaise). Et j’avoue candidement qu’elle m’a torchée solide au Scrabble.

Je pense aussi à cette journée en moto en campagne. Devant des champs terrassés de riz ou de je ne sais trop quelles plantes, je m’arrête pour prendre un moment, pour regarder les gens, les paysans. De l’autre côté du chemin, une longue plage occupée par les pêcheurs locaux. Et tout près, j’aperçois une moto stationnée et un homme assis à un arbre en train de manger. Il me fait signe de venir, je viens à lui. Et bien sûr il me parle en Indonésien, je ne comprends que dalle. Je lui demande s’il parle anglais, il ne me répond rien. On comprend alors tous les deux qu’on ne pourra débattre de théories de la vie. Mais les deux on se sourit, geste de convivialité universelle. Il me fait un signe pour me demander si je veux manger. Je fais signe de non. Puis je m’écarte un peu, gentiment, pour aller photographier les pêcheurs. L’homme revient à moi quelques minutes plus tard, me fais des signes tout en me parlant, je pige facilement qu’il veut que je le suive en moto. Je ne sais trop où, mais finalement, je le suis, on longe la plage, nous et nos motos complètement seuls sur des kilomètres de plages désertes, dans le sable mouillé, il veut me faire découvrir son coin de pays. On aboutit à d’autres endroits où d’autres pêcheurs se trouvent. C’est ainsi que j’ai passé un après-midi avec lui, sans qu’on puisse communiquer un traître mot.

Oui, ça c’est l’Indonésie. L’accueil des gens est juste incroyable. Je n’avais pas encore voyager dans un pays où le rapport d’un étranger avec les habitants est si facile. À certains endroits, je n’ai pas le choix d’être dans le circuit touristique typique. Mais c’est aussi facile de quitter ce circuit et de rencontrer les locaux. J’imagine que voyager seul aide à la cause. Les gens viennent à moi facilement.

One Response to “Les rencontres”

  1. loulou says:

    Incroyable… toi, tu sais voyager! Ahahaha! Comme si on en doutait!!! Bises!!!

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